« Ostréiculture. Un polar dans la mare de la « guerre » des huîtres »
Plus que quelques jours avant le retour des mois en « r » : ceux où l’on peut manger des huîtres. Pourtant combien ont été dégustées sur les terrasses bretonnes cet été ? L’écrivain morbihannais Bruno Perera met les pieds dans le plat et la laitance au menu d’un polar iodé.
Les rapports au sein de l’entreprise ou encore le réchauffement climatique, Bruno Perera aime écrire sur ce qui lui tient à cœur. Plutôt que l’essai, précis mais aride, il a toujours préféré la liberté qu’offre la fiction dans les nouvelles ou le roman. « On transmet plus de choses par des personnages de chair et de sang, par l’émotion », plaide-t-il. Tellement plus que ses sources d’inspiration n’ont pas toujours goûté à sa créativité : il en a fait l’amère expérience il y a 15 ans en perdant son emploi. De quoi devenir prudent, mais pas moins engagé…
Huître ou huître ?
Son quatrième livre met un vrai sujet sur la table : les huîtres. Les «naturelles» d’un côté : celles dont le naissain est né et a été capté en mer. Les «domestiques» de l’autre : celles dont le naissain est créé en écloserie, avec des chromosomes supplémentaires pour qu’elles ne se reproduisent pas et n’aient donc pas cette laitance peu appréciée des consommateurs. Les premières sont parfois élevées à même le sol. Les secondes toujours en poches. « Quand on achète du maïs, on sait s’il est OGM. Quand on achète du saumon, on sait s’il est sauvage ou d’élevage. Quand on achète une huître, on ne sait pas ce qu’on mange ». À la différence du saumon, toutes les huîtres se nourrissent ensuite dans le milieu naturel : il faut donc un œil et un palais d’expert pour les différencier.
Déontologie
Pourquoi cet ingénieur agronome, consultant en développement durable, a soudain pris la plume pour défendre l’huître naturelle ? Comme son personnage principal Erwann, son travail l’a amené à rencontrer plus d’une centaine d’ostréiculteurs en 2008-2009. « Il y a le même enjeu déontologique qu’avec Monsanto. L’ostréiculteur est comme l’agriculteur : il est en train de devenir juste un producteur dans une chaîne », constate aujourd’hui l’écrivain, qui brise « l’omerta » en 300 pages.
Bon polar
« Mort d’une baleine dans un parc à huîtres » est bien une fiction dans un cadre anonyme. Mais on y devine facilement Vannes et il n’y a pas tant de lieux où terre et mer se mêlent… « C’est vrai que c’est une déclaration d’amour au Golfe du Morbihan, à la moto, à des personnes réelles et à la nourriture saine », explique l’auteur. Comme c’est un polar, on croise des enquêteurs et des criminels, des bons, des crapules et des victimes du système. « Je n’avais pas envie d’un livre caricatural. Dans la fiction, on peut laisser les personnages prendre corps et vie. Certains se sont imposés… tout comme la fin ». Si le lecteur découvre un métier dans tous ses enjeux, il vit aussi un récit bien mené et ancré dans la vie d’aujourd’hui : du SMS aux familles recomposées.
« Dans tout roman, il y a des briques de réalité. La tension qui existe entre les ostréiculteurs en est une », conclut Bruno Perera. Au lecteur-consommateur de voir après digestion ce qu’il fait de ce petit pavé dans la mare ostréicole.